Le mobilier design italien

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Cela fait plus de 70 ans que l'Italie contribue à l'histoire du design par sa production de meubles et d'objets. La période vintage italienne fut prolifique, foisonnante, variée dans ses démarches, protéiforme. Tels sont en effet les adjectifs qui reviennent le plus souvent lorsqu'il s'agit de caractériser ce que l'on appelle, dans une perspective englobante, le « design italien » que l'on ne peut résumer de façon satisfaisante tant les formes qu'il prit furent diverses.

En essayant d'appréhender certaines des tendances et styles les plus marquants, nous rendrons compte de ce que fut le mobilier design italien. Ce sont les années 1950 à 1980 qui nous intéresseront le plus particulièrement.

Une variété de styles

Au sortir de la seconde guerre mondiale, et jusque dans les année 1950, la nécessité d'écrire une nouvelle page d'histoire et de rompre avec le passé se fait sentir. Les designers italiens incarnent ce besoin de renouveau qui s'empare de l'Europe. Cependant, ceux-ci ne suivent pas tous la même direction : l'initiative personnelle, la singularité identitaire du designer est renforcée par les structures entrepreneuriales, qui, parce qu'elles sont pour la plupart de petites tailles, vont porter en leur sein la nécessité de se singulariser, d'être reconnaissables. La collaboration des architectes et designers avec différents industriels va ainsi contribuer la variété des styles qui marquera, très tôt, l'histoire du design italien et de son mobilier.

Les explorations esthétiques sont multiples, les matériaux choisis incroyablement variés, la production rationalisée tandis que le style reste fantaisiste. Et par-delà toutes ces voies de singularisation se dessine la recherche de l'unicité au sein de ce qui lui est le plus contraire, la production en série.

La « série diversifiée » : de la série à l'unique

En matière de design, l'Italie semble avoir fait le grand écart entre la quête d'une rationalité liée à la nécessité d'une production industrielle, de série, et l'ambition de donner au public une création personnalisée, constituée d'éléments uniques, comme cela serait le cas si la production était artisanale.

Cette dichotomie, l'œuvre de Vinicio Vianello l'incarne. Les vases de verre qu'il produit en série présentent une asymétrie fort éloignée des formes parfaites , suscitant immanquablement l'impression d'un travail artisanal, constitué de pièces uniques, portant l'empreinte d'une main.

Gaetano Pesce incarne lui cette préoccupation : il trouve les matériaux et les formes pour que la production standardisée permette la génération de pièces uniques. Les fameux bougeoirs de la série Candelabre qu'il conçoit ont été façonnés dans un matériau qui lui est cher, la résine polyuréthane, qui prend une forme unique en se figeant : si le processus qui donne naissance à chacun des modèles est bien standardisé, l'objet issu de cette série, quant à lui, n'en est pas moins unique.

En 1969, Gaetano Pesce a également produit la Donna Up Chair, un fauteuil anthropomorphique qui évoque une déesse de la fertilité au sein de laquelle vient s'enfoncer le corps assis. Là encore, ce fauteuil produit en série n'en reste pas moins unique, puisqu'il se déploie au moyen d'une performance orchestrée par le designer. En effet, le fauteuil est acheminé sous la forme d'un colis au sein duquel il est comprimé, puis, au moment de l'ouverture, sous l'effet de la dilatation des alvéoles qui le constituent, et qui ont été conçues pour se remplir d'air, il se déploie sous les yeux de l'acheteur. Cette performance, qui semble exécutée uniquement pour ce dernier, fait partie intégrante de l'objet et contribue à son unicité.

Design radical italien

On l'a vu, la multiplicité des styles est une caractéristique du mobilier design italien. Pourtant, un regroupement de designers est apparu à la fin des années 1960, qui dénonçait l'unicité du style au sein de la standardisation des productions industrialisées des meubles, l'industrialisation elle-même, la marchandisation du style, et jusqu'au bon goût, jusqu'aux racines même du fonctionnalisme.

C'est le Design radical italien, qui exprime sa critique d'une forme de conformisme en art et en architecture grâce à une production à contre-courant, réfléchissant à des thèmes comme l'utopie ou l'infini. Le fauteuil Pratone, créé au début des années 1970 par les designers italiens Giorgio Ceretti, Pietro Derossi et Riccardo Rosso, est un exemple particulièrement évocateur : l'utilisation de la mousse de polyuréthane, sa structure qui figure une touffe d'herbe de plus de 1,40 m de long au sein de laquelle l'utilsateur peut librement s'enfoncer.

La remise en question du fonctionnalisme est ici explicite : ce fauteuil représente une touffe d'herbe verte avant de figurer le fauteuil lui-même. Sa fonction n'est pas induite par sa forme, et sa beauté ne l'est pas non plus.

Les luminaires italiens : l'excellence au service de la lumière

La production des designers italiens en matière de luminaires est elle aussi foisonnante. On ne saurait ici résumer leur travail, tant les voies explorées sont différentes. Nous ne donnerons que trois exemples de la variété de leur créativité.

Structurale, fonctionnelle, la lampe Arco, créée en 1962 par Achille et Pier Giacomo Castiglioni annonce le règne de l'Italie sur la lumière et l'éclairage intérieur : avec ses dimensions hors-norme (elle est haute de 2,40m et large de 2,20m), et avec l'utilisation du beau marbre de Carrare associé à l'acier de la structure et à l'aluminium de l'abat-jour, elle capte l'attention autant qu'elle diffuse la lumière et s'impose comme un élément central dans la composition d'une décoration d'intérieur.

La lampe Eclisse, designée par Vico Magistretti et éditée par Artemide à la fin des années 1960, fait elle aussi date dans l'histoire du design de luminaire. L'utilisation des couleurs chaudes, le recours au métal verni, les parties mobiles qui permettent la modulation de l'éclairage ainsi que son orientation, l'effet d'éclipse qui peut être créé lorsque la demi-sphère pivotante bien oblitérer la lumière diffusée par l'ampoule au sein de sa structure sphérique sont particulièrement novateurs.

Dans un tout autre style, la lampe Daruma de Sergio Asti, en verre soufflé, fut créée en 1968 et sera intégrée aux collections du Museum of Modern Art de New York. Intemporelle, sobre, anthropomorphique avec sa silhouette qui évoque explicitement les poupées japonaises, elle témoigne encore une fois de l'inventivité du design italien en matière de mobilier.

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